Génèse du projet Immunologie
Origine de la découverte: Le cas de Mme LL, premier malade chez lequel un déséquilibre d’ordre protéomique a été constaté.
Premières pistes
La médecine n’a pas pu apporter de réponse appropriée aux pathologies immunitaires très lourdes ainsi qu’à l’état de dégradation physique progressif et très invalidant dont souffre Mme LL depuis 1987 (douleurs intenses, affaiblissement musculaire, fatigue, épuisement, état grippal permanent…). Cependant, à l’origine, Mme LL souffre d’auto immunité.
Premiers entretiens avec le Docteur Marcel Mersel
Lors de sa rencontre avec le Docteur Marcel Mersel en 2009, Mme LL fait état de ce que sa grossesse a été la seule période de sa vie, depuis l’apparition de sa maladie, où tous ses symptômes avaient disparu.
Cette situation conduit le Dr Mersel à émettre l’hypothèse que certaines maladies auto immunes résulteraient d’un déséquilibre du rapport entre la chaîne lourde (CL) et la chaîne légère Beta-2-microglobuline (β2m) du complexe HLA I.
En effet, durant la grossesse, la fonction assurée par le système HLA I est prise en charge dans les cellules placentaires par le système HLA G afin d’éviter le rejet du fœtus tout en le protégeant du « non-soi ».
Les études conduites sur les cellules sanguines de Mme LL ont depuis confirmé ce déséquilibre dû à un déficit en β2m sur la membrane des lymphocytes B. Pour le comprendre, intéressons-nous au processus immunologique dans son ensemble.
Aux sources de l’immunologie
L’objectif de la défense immunitaire est de protéger l’organisme contre tout corps étranger. Par opposition à tout ce qui nous constitue et que nous qualifierons de « soi », les corps étrangers seront qualifiés de « non-soi ». Les composés « non-soi » sont communément qualifiées d’antigènes (Ag).
Chez l’homme, le système de défense immunitaire repose sur trois « lignes de défense ».
La première ligne, dite de défense « innée », se situe dans l’épiderme, les muqueuses, et fait intervenir des cellules macrophages et tueuses appelées « NK – Natural Killers ». Ces dernières présentent une toxicité vis-à-vis des Ag.
La seconde ligne, dite de défense « adaptative », est plus sélective et se subdivise en deux classes principales :
Le système HLA II (défense humorale) a pour finalité de fabriquer des anticorps (Ac) qui seront spécifiquement adaptés à chaque Ag identifié. Les complexes Ag-Ac ainsi formés seront alors détruits et éliminés. Pour que ce mécanisme se mette en marche, HLA II situé à la surface de cellules présentatrices doit intercepter et littéralement présenter l’Ag à une classe de globules blancs que l’on appelle lymphocytes T-CD4. Ceux-ci vont à leur tour engendrer l’activation et la multiplication d’autres lymphocytes, les lymphocytes B, qui vont synthétiser les Ac spécifiques à l’Ag qui a été présenté.
Le système HLA I (défense à médiation cellulaire) a pour objectif de repérer les Ag présents à l’intérieur de la cellule et qui peuvent être par exemple des protéines du soi en fin de vie ou défectueuses, ou des protéines du non-soi codées par un génome viral. Son rôle est de transporter ces Ag à la surface de la cellule et de les présenter à une autre classe de lymphocytes : les lymphocytes T-CD8. Ce faisant, ce mécanisme va initier un processus de toxicité dirigé contre la cellule porteuse de l’Ag.
L’on peut, en simplifiant à l’extrême, dire que le système HLA II protège la cellule contre des agresseurs extérieurs tandis que le système HLA I la défend contre des agresseurs qui ont pu y pénétrer. Mais, plus récemment, la possibilité que des complexes HLA I libres, ne portant pas d’Ag, puissent se trouver à la surface des cellules a été décrite. Il est donc possible que des complexes HLA I à la surface captent des Ag circulants et les présentent aux lymphocytes T-CD8.
Cette possibilité est au cœur de notre axe de développement en immunologie.
Structure et conformation tridimensionnelle des systèmes HLA
Les systèmes HLA sont des assemblages de protéines. La capacité qu’ils ont de reconnaître des Ag spécifiques est basée sur un mécanisme que l’on qualifie de « clé-serrure ».
Le système HLA I qui nous intéresse plus particulièrement est composé d’une chaîne protéique « lourde » transmembranaire (CL) et d’une protéine plus légère : la Beta-2-microglobuline (β2m).
C’est la chaîne lourde, repliée dans l’espace comme une sorte d’entonnoir que nous appellerons « présentoir » qui capte l’Ag circulant. Mais la forme de cet entonnoir est déterminée par l’association de la β2m à la chaîne lourde.
Autrement dit, si la β2m vient à faire défaut, le présentoir se déforme et peut, soit ne plus reconnaitre l’Ag, soit au contraire reconnaître des molécules autres que les Ag.
Pour que le système fonctionne correctement, le rapport CL/β2m doit être égal à 1. Tout défaut dans l’association CL-β2m perturbe la réponse immunitaire à médiation cellulaire.
Lien avec l’auto immunité et hypothèse de travail de Beta Innov
Le cas évoqué plus haut de Mme LL nous a appris qu’au cours de sa grossesse, elle ne ressentait plus de douleurs liées à ses pathologies. Or, durant la grossesse, le système HLA I n’est plus exprimé par les cellules placentaires. Par extension, pourquoi ne pas penser que ce phénomène puisse s’étendre aux autres cellules ? A partir de là, le Dr Mersel a imaginé que certains symptômes causés par les maladies auto immunes pouvaient provenir d’un défaut de présentation des Ag par HLA I au lymphocyte T-CD8, défaut de présentation causé par une mauvaise configuration spatiale du présentoir, elle-même due à un défaut d’équilibre entre chaîne lourde et β2m
Les conséquences de ce défaut pourraient amener le système HLA I à présenter au lymphocyte T-CD8, non pas des Ag, mais des éléments du « soi » et initier ainsi une réponse immunitaire contre son propre organisme. Le déséquilibre CL/β2m ≠ 1 initierait alors une réponse auto immune, une molécule du soi étant devenue « auto-antigène » à cause de ce déséquilibre.
L’hypothèse de travail qui a mené Beta Innov à conduire ses recherches a donc été basée sur le fait que rétablir l’équilibre CL/β2m = 1 par un procédé médicamenteux chez les personnes souffrant d’auto immunité rétablirait le fonctionnement normal de leur système immunitaire et ferait disparaitre la pathologie associée.
Ce nouveau concept bioclinique, identifié par Beta Innov, est illustré par les figures ci-dessous :
La preuve de concept : le rapport CL/β2m ≠ 1 pour HLA I est un marqueur d’auto immunité – Le programme Betabio
L’étude Betabio est un programme qui s’est déroulé au sein du CHRU de Montpellier sous la conduite de son investigateur principal : le Pr Jean-François ROSSI, membre du comité scientifique de Beta Innov. Le CHRU de Nîmes y est associé en tant que plateforme statistique. Ce programme a été autorisé par les autorités de santé locale et nationale (ANSM – précédemment AFSSAPS). Il a consisté en l’analyse du rapport CL/β2m en surface des lymphocytes purifiés à partir de prélèvements sanguins provenant de donneurs sains et de personnes souffrant de diverses pathologies auto immunes.
Une méthode d’analyse originale du rapport CL/β2m a été développée par les chercheurs de Beta Innov.
Les analyses réalisées sur 153 patients et 67 témoins confirment de manière statistiquement significative que la mesure d’un rapport CL/β2m ≠ 1 est un marqueur biologique commun à diverses pathologies auto immunes. Le taux de Superoxyde Dismutase, marqueur du niveau d’inflammation, baisse significativement après incubation « in vitro » des lymphocytes pathologiques avec de la β2m liposomale.
Ces résultats confirment que le médicament candidat consisterait à donner aux patients de la β2m pour restaurer CL/β2m à son taux physiologique. La molécule n’est pas toxique « in vitro » sur les cellules humaines astrocytaires, hépatiques, rénales, du muscle cardiaque et squelettique. L’injection intraveineuse de β2m liposomale chez le rat (Etude réalisée par WilResearch à Lyon) n’altère pas le comportement des animaux et n’entraine aucune mort « suspecte ».
Les prochaines étapes du programme de recherche sont d’ores et déjà définies : optimiser la formulation de β2m, développer des biomarqueurs confortant la preuve de concept, réaliser les étapes précliniques (ADME) pour enfin tester l’efficacité du médicament « in vivo » sur un certain nombre de pathologies choisies.